Dutch Babywearing Conference à Groningue

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Le coup de sifflet retentit, le train se met en marche et quitte doucement la gare de Groningue … Durant le long trajet de retour vers Bruxelles, j’ai le temps de coucher sur papier mes impressions de la Dutch Babywearing Conference, qui s’est tenue ce weekend du 24-25 octobre dans cette ville tout au nord des Pays-Bas.

Groningue est une petite ville pleine de charme : les maisons ne grattent pas le ciel, l’horizon y est dégagé et l’ambiance est douce malgré la fraîcheur et la brume automnale. Les rues sont cependant très animées : des milliers de vélos circulent (la prudence est de mise: en tant que piéton, on est dépassé chaque demi-seconde par une bicyclette que l’on n’entend pas venir) et le soir, les étudiants sortent dans les cafés jusqu’aux petites heures. Car Groningue est une ville universitaire (depuis le XVIIe siècle). C’est d’ailleurs dans l’ancien institut de minéralogie et de géologie, un bâtiment néogothique reconverti en centre de conférence, qu’a eu lieu l’évènement qui a réuni de nombreuses porteuses et porteurs, des spécialistes et des fabricants de porte-bébés.

En arrivant le samedi matin, je suis accueillie par l’une des organisatrices, qui me remet, comme à chaque participant, un collier porte-clés cousu dans une écharpe en jacquard ainsi qu’un sac cousu dans du tissu d’écharpe et rempli de petites surprises … Elle s’empresse de savoir si j’ai bien dormi. Voilà, le ton est donné : ici, on est accueilli avec gentillesse et bonne humeur ! Déjà durant les semaines et mois précédents, les organisatrices avaient fait preuve de beaucoup d’engagement et de disponibilité : elles avaient concocté un programme alléchant avec des personnes intéressantes et dynamiques à l’affiche. Plusieurs marques d’écharpes avaient fabriqué des éditions limitées aux couleurs du pays … et de ses célèbres stroopwafels.

Musetta, l’une des organisatrices

Happy!
Les stands des exposants sont répartis sur les deux étages du bâtiment : des revendeurs hollandais sont présents, mais aussi des fabricants comme Didymos, Je Porte Mon Bébé, Fidella ou Kokoro. C’est l’occasion de profiter de prix avantageux ou de découvrir en avant-première l’un ou l’autre prototype. Mais surtout les visiteurs peuvent discuter avec ces personnes qu’ils ne voient pas habituellement, ou seulement sur internet : celles et ceux qui inventent les porte-bébés, qui popularisent le portage à travers des formations, sur des forums ou dans des communautés virtuelles. Le public est largement hollandais, mais il y a aussi des visiteurs  belges, allemands, français, américains même …

Quel spectacle pour les yeux ! Tant d’écharpes, tant de couleurs : celle-ci toute en nuances, celle-là très contrastée, celle-là encore aux couleurs de l’arc-en-ciel ! Nouées ou traînant simplement par terre, elles semblent appartenir, le temps d’un week-end, à tout le monde : on se les prête, on les essaye, on les tâte, et bien sûr on prend des multitudes de photos. J’ai eu deux coups de cœur : l’un pour un prototype Kokoro en lin, teint à la main en rose pâle, avec un motif de cerises. Une écharpe toute légère, aérée, lumineuse. L’autre pour une écharpe-tester Heartiness avec un dégradé de gris : elle était somptueuse, et au toucher elle était souple, douce, moelleuse et si facile à manier!

Au deuxième étage, un bar, où nous recevons un casse-croûte à midi, ouvre sur une grande salle de conférence, située directement sous la charpente du bâtiment. Les arcs métalliques qui la soutiennent sont superbes. C’est ici qu’ont lieu les « key-note speeches », les exposés des principales personnalités de ces deux journées :

Tina Hoffmann, qui dirige Didymos, a abordé la question de la prématurité d’abord sous un angle historique : comment a-t-elle été prise en charge par le monde hospitalier depuis le XIXe siècle ? Comment l’importance du contact entre le bébé prématuré et sa mère a-t-elle été progressivement reconnue et intégrée dans les soins ? Elle a bien sûr parlé de l’introduction du portage dans les services de néonatologie par le biais du peau-à-peau, puis du portage en écharpe.

Karin Brugemann, physiothérapeute et monitrice de portage, a témoigné de sa pratique dans des services de néonatologie aux Pays-Bas.

Karin Brugemann et Tina Hoffmann

  • Rose, le visage de Carry Them et la co-fondatrice de la marque Kokoro est venue du Canada pour un key-note en dialogue avec le public à propos du test des écharpes de portage par des utilisateurs et de la rédaction de comptes-rendus – un genre qui s’est développé récemment avec l’avènement des blogs, des réseaux sociaux et la multiplication des petits fabricants d’écharpes. Elle a insisté sur la responsabilité du testeur vis-à-vis de son lectorat, sur l’importance de fournir une description complète, informative, objective du produit, qui permette au consommateur de faire un choix utile.
  • Azizah Attard du Bebe Sachi Project a présenté l’histoire et le projet social de la marque, le processus de création, de fabrication et de vente des écharpes.
  • Keren, formatrice de L’école à porter, a proposé un key-note passionnant pour toute personne qui transmet le portage. Sachant que le portage est un domaine très peu investi par la science et encore dominé par des présupposés, elle plaide pour une approche rigoureusement empirique : observer le bébé (les signes qu’il émet en fonction de son développement et de ses besoins), observer le couple porteur/porté, non pas pour aboutir à une norme générale, mais au contraire afin d’adapter le mode de portage au moment et aux personnes concernées. Elle appelle cela le « portage dynamique ».


Sur le temps de midi, la pétillante Melanie, qui anime Carry in Style sur les réseaux sociaux, présentait samedi et dimanche un défilé d’écharpes et de porte-bébés, dont la plupart étaient des lots que l’on pouvait remporter lors d’une tombola. Je me suis fait un plaisir d’y participer le deuxième jour et de porter une superbe écharpe en jacquard Linuschka, puis une JPMBB Basic.

Les mannequins attendent leur tour dans les coulisses.

Je crois que Melanie était très amoureuse de sa jupe taillée dans une écharpe Woven Wings ^^
Entre les exposés avaient lieu des ateliers, d’une heure chaque fois. Le choix était vaste et la plupart des ateliers étaient proposés plusieurs fois, permettant à chacun d’aller butiner ça et là, au gré de ses envies : techniques de nouage, atelier couture, explications sur le processus de tissage, applications du portage au yoga ou au massage, adaptation du portage en cas de handicap … Voici quelques photos des ateliers auxquels j’ai participé.

Atelier Didytai avec Anna Hoffmann: installation « apron » et « non-apron » sur le ventre, le côté et le dos. Trucs et astuces pour bien ajuster le porte-bébé. 

Atelier « Rock Your Shorty » avec Hedwych de Wrap you in love: même avec une écharpe courte, on peut réaliser des nouages multi-couches.

Deuxième atelier avec Hedwych: ici le portage double. Le passage de la bretelle de l’écharpe à travers les anneaux du sling permet de garder les anneaux bien dégagés au moment du réglage. 

Sur ces photos-ci, une écharpe courte est enfilée sous les bretelles de la première écharpe et nouée façon enveloppé croisé.

Atelier « The Art of Weaving » avec Tina Hoffmann sur les techniques de tissage : comment une écharpe tissée est-elle fabriquée depuis la fibre naturelle (coton, lin, chanvre, soie, laine: leurs propriétés, les critères de qualité des fils) jusqu’à la confection en passant par les différents métiers à tisser (métiers dobby, métiers jacquards). Nous avons eu l’occasion de tâter des bobines, des échantillons et de prendre en main une navette.

Atelier massage rebozo: il ne s’agit pas du « soin rebozo », pratiqué à quatre mains, mais simplement d’une mobilisation en douceur d’une zone du corps (le bassin, les jambes, la tête …) avec une écharpe de portage. C’était très relaxant et très ludique pour les bébés qui ont participé.

Pour terminer, je suis allée observer l’atelier de portage sur le dos en écharpe JPMBB avec Keren.

Ce que je retiendrai de cette conférence, c’est l’excellente ambiance qui y régnait : c’était décontracté et familial. Il y avait clairement une volonté de rassembler pas seulement les « professionnels » (j’insiste sur les guillemets, car le petit monde de portage n’est que peu réglementé, en tout cas pour l’instant), mais toutes les personnes que le portage passionnent !

Trois générations sur cette photo (+ un poupon qui ne compte pas!).
Les bébés et bambins étant présents en grand nombre : il résonnait dans cet ancien bâtiment un joyeux chahut, des pleurs aussi, mais cela ne gênait personne. Les bébés s’occupaient à leur façon : tant de visages à observer, tant d’écharpes sous lesquelles se cacher, tant de poupons comme potentiels compagnons ! Ils jouaient ou se faufilaient sous les rangées de chaises ou s’occupaient avec un dessin animé ou un jeu vidéo ou grignotaient ou tétaient ou dormaient, ou, ou, ou … bref, ils étaient les bienvenus !

Mon récit touche à sa fin. Je terminerai par une remarque plus personnelle. Dans mon parcours de maman, cette conférence a marqué une étape, une séparation très dure à vivre : le premier week-end loin de mes garçons de 2 et 5 ans ! Je les ai laissés seuls (à moitié seuls, avec leur père, hein !), afin de pouvoir me consacrer pleinement à ce qui me passionne. Ne pas devoir consoler leurs pleurs, ne pas devoir les surveiller, ne pas devoir interrompre une conversation, une activité pour être maman … à vrai dire, je me réjouissais  de ce temps libre rien qu’à moi.
Sur place, cependant, tout me ramenait à eux et à mon histoire de maman : la vue d’une écharpe, un tissu qui glisse entre mes doigts, une phrase entendue dans un exposé … immanquablement, c’est un souvenir qui se greffait dessus, le souvenir d’un porte-bébé que j’avais aimé, le souvenir de comment je prends mes enfants dans mes bras, les pose sur mes genoux, les installe dans leur siège-auto. Le souvenir aussi de difficultés que nous avons surmontées. Je me suis rendue compte du temps qui avait passé et que ce temps avait été rempli d’apprentissages et de beaucoup d’échanges. Ces moments d’intense émotion sont certainement le cadeau que je ne pensais pas trouver en me rendant à Groningen et qu’aucune tombola n’aurait pu me faire gagner.